Le Conseil d’Etat ne plaisante pas avec les évaluations environnementales.
Déjà, par une décision du 26 juin 2015, il avait annulé les dispositions des alinéas 1 à 7 de l’article R. 121-15 du code de l’urbanisme issues de l’article 3 du décret du 23 août 2012 relatif à l’évaluation environnementale des documents d’urbanisme en considérant qu’elles méconnaissaient la Directive européenne relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement (CE, 26 juin 2015, n° 365876).
Par une décision rendue ce 19 juillet, le Conseil d’Etat a réitéré ses exigences en la matière, en censurant le champ bien trop restreint de l’évaluation environnementale et en relevant au passage que le gouvernement n’avait pas pris la mesure de sa précédente décision (CE, 19 juillet 2017, n°400420).
Pour mieux comprendre cette décision, il convient d’en rappeler le contexte législatif et règlementaire.
Dans le prolongement de l’Ordonnance du 23 septembre 2015 portant nouvelle codification de la partie législative du livre Ier du Code de l’urbanisme(prétendument à droit constant), le décret relatif à la modernisation du contenu du Plan local d’urbanisme a été édicté le 28 décembre 2015, d’une part, pour emporter nouvelle codification de la partie règlementaire du même Livre de ce Code, d’autre part, pour l’application de l’article 157 de la loi ALUR, permettre la modernisation du contenu du Plan local d’urbanisme en créant notamment de nouveaux outils.
Mais ce décret avait également une autre ambition : modifier le décret du 23 août 2012 relatif à l’évaluation environnementale des documents d’urbanisme, lequel avait justement vu plusieurs de ses dispositions annulées par le Conseil d’Etat dans la décision susmentionnée de juin 2015.
Il devait ainsi préciser le champ d’application de l’évaluation environnementale à réaliser dans le cadre des procédures de modification et de mises en compatibilité du Plan Local d’Urbanisme.
A cet égard, il doit être relevé que l’article L. 104-3 du Code de l’urbanisme prévoit que :
“Sauf dans le cas où elles ne prévoient que des changements qui ne sont pas susceptibles d’avoir des effets notables sur l’environnement, au sens de l’annexe II à la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001, les procédures d’évolution des documents mentionnés aux articles L. 104-1 et L 104-2 donnent lieu soit à une nouvelle évaluation environnementale, soit à une actualisation de l’évaluation environnementale réalisée lors de leur élaboration“.
Le décret du 28 décembre 2015 devait préciser les conditions de la réalisation de cette nouvelle évaluation ou de son actualisation.
Toutefois, saisi par France Nature Environnement de la légalité de ce décret, le Conseil d’Etat n’a pu que constater l’illégalité de plusieurs de ses dispositions, due à la méconnaissance de la directive du 27 juin 2001, qui devrait être transposée en droit interne depuis longtemps.
Dans cette décision, le Conseil d’Etat a ainsi relevé :
- Premièrement, que le champ de l’évaluation environnementale, tel que fixé par le décret en cas de modification et de mise en compatibilité du PLU, n’est pas suffisamment large et ne permettaient pas de prévoir qu’il en soit réalisée une dans tous les cas où il pourrait pourtant y avoir des incidences notables sur l’environnement au sens de l’annexe II de la directive 2001/42/CE du 27 juin 2001 ;
- Deuxièmement, que le décret se contente de réitérer les dispositions pourtant annulées par le Conseil d’Etat dans sa décision susmentionnée du 26 juin 2015, ces dispositions devant donc, par les mêmes motifs, être également censurées ;
- Troisièmement, que le décret ne permet pas de soumettre à évaluation environnementale l’ensemble des cartes communales susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement, méconnaissant ainsi les exigences de transposition de la Directive du 27 juin 2001, alors même que le délai de transposition est écoulé et qu’aucun motif impérieux ne justifie d’un délai supplémentaire pour permettre la mise en conformité du droit interne.
Le Conseil d’Etat annule donc les articles R. 104-1 à R. 104-16, R. 104-21 et R. 104-22 du Code de l’urbanisme, en un dernier considérant récapitulatif et qu’il convient ici de citer in extenso pour la bonne compréhension de la décision :
« 15. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que l’association est fondée à demander l’annulation des articles R. 104-1 à R. 104-16 du code de l’urbanisme dans leur rédaction issue du décret attaqué en tant qu’ils n’imposent pas la réalisation d’une évaluation environnementale dans les cas où d’une part, les évolutions apportées au plan d’urbanisme par la procédure de modification et, d’autre part, la mise en compatibilité d’un document local d’urbanisme avec un document d’urbanisme supérieur est susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement au sens de l’annexe II de la directive 2001/42/ CE du 27 juin 2001, des articles R. 104-21 et R. 104-22 insérés au code de l’urbanisme par le décret attaqué en tant qu’ils désignent l’autorité administrative de l’État compétente en matière d’environnement pour l’élaboration du chapitre individualisé du schéma de cohérence territoriale valant schéma de mise en valeur de la mer et la mise en compatibilité d’office par le préfet du plan local d’urbanisme ou du schéma de cohérence territoriale avec des documents supérieurs, et du II de l’article 12 du décret attaqué ».
La lecture de cette décision fait ressortir de manière manifeste l’agacement du Conseil d’Etat qui est contraint de renouveler des critiques qui avaient pourtant été très clairement énoncées préalablement.
Elle démontre en outre l’importance qu’a pris l’outil de l’évaluation environnementale dans le droit de l’urbanisme et l’absolue nécessité de ne pas s’affranchir des règles qui s’y rapportent.
Cette décision doit enfin être lue en écho avec l’examen du projet de loi de ratification de l’Ordonnance du 3 août 2016 relative à la modification des règles applicables à l’évaluation environnementales des projets, plans et programmes, adopté en première lecture par les députés dans la nuit du 18 au 19 juillet dernier.