L’outil que constitue l’emplacement réservé est extrêmement utile pour une Collectivité territoriale. Il permet de grever un terrain en vue de la réalisation de “voies et ouvrages publics, installations d’intérêt général, espaces verts” ou encore de continuités écologiques (Nouvel article L. 151-41, Ancien article L. 123-1-5, V, du Code de l’urbanisme).
Grâce à cette réserve inscrite dans le document d’urbanisme applicable, les terrains ne peuvent pas faire l’objet d’une utilisation ou occupation incompatible avec la destination projetée et sera sanctionnée , sur un tel emplacement, la réalisation d’une opération différente de celle déterminée et qui pourrait empêcher la réalisation de la destination prévue par l’emplacement réservé (CE, 26 avril 1993, n° 96277; CE, 4 février 1981, n°15372, CE, 14 octobre 1991, n° 92532).
En d’autres termes, cet outil constitue une épée de Damocles pour son propriétaire qui ne pourra pas l’utiliser comme il l’entend.
Il ne saurait donc être institué pour n’importe quel projet de la Collectivité et est limité, comme il a été relevé, à de grands projets dont l’utilité est assurée : équipement scolaire (CE, 14 octobre 1991, n° 92532), construction de ligne de transport public (CE, 26 mai 1999, n° 137965), poste de redressement électrice de la RATP (CAA Versailles, 23 octobre 2014, n° 13VE01115), voie publique (CAA Bordeaux, 12 février 2007, n° 04BX00214).
En tout état de cause, en règle générale, les projets évoqués sont des projets futurs, que la Collectivité n’est pas en mesure de réaliser immédiatement ou qui ne sont pas suffisamment ficelés pour qu’une procédure d’expropriation puisse être mise en œuvre.
Néanmoins, sur ce point, le Conseil d’Etat est venu apporter une nouvelle précision qui, si elle peut paraître surprenante, n’en est pas moins très importante: la haute juridiction accepte que l’emplacement réservé soit créé afin de permettre au terrain de conserver sa vocation.
Précisément, dans cette affaire, le propriétaire avait remis en cause le classement de sa parcelle en emplacement réservé dès lors que la destination de cet emplacement était similaire à la destination actuelle de la parcelle (en l’occurence : une voie d’accès à une école ainsi que des places de stationnement existants). Ce moyen avait été retenu par la Cour administrative d’appel qui avait censuré le classement.
Pourtant, cette position a été sanctionné par le Conseil d’Etat, lequel a relevé que ” s’il est généralement recouru à ce dispositif pour fixer la destination future des terrains en cause, aucune disposition ne fait obstacle à ce qu’il soit utilisé pour fixer une destination qui correspond déjà à l’usage actuel du terrain concerné, le propriétaire restant libre de l’utilisation de son terrain sous réserve qu’elle n’ait pas pour effet de rendre ce dernier incompatible avec la destination prévue par la réservation” (CE, 19 juillet 2017, n° 397944).
Cette position nous semble pour le moins choquante car elle cristallise la destination d’une parcelle appartenant à un propriétaire privé pour un ouvrage qui semble d’utilité publique. La question pourrait alors se poser, selon nous, des frais en cascade pris en charge par le propriétaire privé pour l’entretien d’un ouvrage qui semble d’intérêt général puisque grevé d’un emplacement réservé.
Si cette position apparaît pragmatique, elle ne nous semble pas satisfaisante et ne manquera pas de soulever des questions. Surtout, il nous semble que ce n’était pas là l’utilité de cet outil dont il ne faut pas oublier qu’il constitue une altération de la propriété privée.