Par une décision rendue ce lundi, le Conseil d’Etat apporte des précisions bienvenues sur plusieurs sujets intéressants : le caractère de bâtiment à usage principal d’habitation d’un centre d’hébergement d’urgence, la justification de la non transmission d’une QPC relative à la constitutionnalité de l’article L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme et l’application de cet article par le pétitionnaire soumis à une nécessaire régularisation de son permis de construire (CE, 19 juin 2017, n° 394677, mentionné aux tables)
1er intérêt de cette décision : un centre d’hébergement d’urgence constitue un bâtiment à usage principal d’habitation
En application de l’article R. 811-1-1 du code de justice administrative, il n’y a pas d’appel possible contre les jugements relatifs à des recours, introduits les entre le 1er décembre 2013 et le 1er décembre 2018 contre ” les permis de construire ou de démolir un bâtiment à usage principal d’habitation ou contre les permis d’aménager un lotissement lorsque le bâtiment ou le lotissement est implanté en tout ou partie sur le territoire d’une des communes mentionnées à l’article 232 du code général des impôts et son décret d’application “.
Ces dispositions, issues du décret du 1er octobre 2013 relatif au contentieux de l’urbanisme, ont pour objectif, dans les zones où la tension entre l’offre et la demande de logements est particulièrement vive, de réduire le délai de traitement des recours pouvant retarder la réalisation d’opérations de construction de logements.
Le Conseil d’Etat rappelle que, pour l’application de ces dispositions, dans le cas où la construction est destinée à différents usages, doit être regardé comme un bâtiment à usage principal d’habitation celui dont plus de la moitié de la surface de plancher est destinée à l’habitation. Ce faisant, il applique directement sa décision rendue le 20 mars dernier (CE, 20 mars 2017, n°401463, mentionné aux Tables).
En l’occurrence, le permis de construire concernait un Centre d’hébergement d’urgence.
Dans la décision commentée, le Conseil d’Etat juge qu’une telle construction doit bien être regardée comme un bâtiment à usage principal d’habitation, à laquelle s’applique la dispense d’appel susmentionnée (Considérant n°4).
2e intérêt de cette décision : La justification de la non transmission de la QPC relative à l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme
Dans cette affaire, les requérants avaient soulevé une question prioritaire de constitutionnalité relative aux dispositions de l’article L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme, aux termes desquelles : “Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu’un vice entraînant l’illégalité de cet acte est susceptible d’être régularisé par un permis modificatif peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu’à l’expiration du délai qu’il fixe pour cette régularisation. Si un tel permis modificatif est notifié dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations “.
Les requérants soutenaient que ces dispositions étaient contraires à l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
Dans la décision commentée, le Conseil d’Etat justifie l’absence de transmission de la QPC par le Tribunal administratif en soulignant que ces dispositions “ne portent atteinte à aucune situation qui serait acquise ou définitivement constituée” et qu’elles “se bornent à instituer des règles de procédure concernant exclusivement les pouvoirs du juge administratif en matière de contentieux de l’urbanisme“.
3e intérêt de cette décision du Conseil d’Etat : le jugement avant dire droit mettant en oeuvre les dispositions de l’article L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme suffit pour délivrer un permis modificatif
Dans cette décision, le Conseil d’Etat affirme que : “Il ne résulte pas des dispositions précitées de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme que le bénéficiaire du permis de construire doive solliciter de l’autorité compétente la délivrance du permis modificatif que le juge administratif, statuant avant dire droit, a estimé nécessaire pour régulariser le permis de construire initial”
En d’autres termes, le pétitionnaire qui se voit demander la régularisation de son permis de construire par le juge administratif n’a pas à formuler une demande expresse de PCM auprès de l’autorité compétente.
Ce principe, bien que souligné dans cette décision (Considérant n°23), n’apparaît pas nécessairement applicable à la majorité des situations dans lesquelles une modification de la notice ou des plans du dossier de demande de PC initial peut apparaître absolument nécessaire pour que le permis initial soit régularisé.